HISTOIRE
Origine / Etymologie
(source : – Alfred BOUVERESSE, De Cicon… à la Grâce-Dieu. Histoire des villages du canton de Vercel (Doubs), Vesoul, 1987, p. 217-222.)
Etray, près duquel passe la voie romaine en la combe de Gielle (nom qui serait une déformation de Jules (César) ), est cité en l’an 937 grâce à Atelle de Scey, le premier nom connu de la future et illustre famille de Scey. Cette dame avait obtenu de l’archevêque Geoffroy de Besançon de lui accorder à titre de « précaire » les revenus de l’église de « Estrata » et deux portions de dixmes qui lui appartenaient avec toutes les dépendances de ces terres. Othon de Scey les rendit à l’évêque Hugues III environ l’an 1092.
L’étymologie la plus sûre, pour Estrata, semble être : voie pavée, du latin (via) strata. Une estrée était autrefois une chaussée et désignait aussi la localité qui s’était formée le long de cette chaussée (généralement une voie romaine). Le mot strata peut aussi signifier couche ou lit, et dans ce cas, Etray sur la voie romaine était un baraquement avec quelques couches pour les voyageurs malades, lesquels d’ailleurs étaient abandonnés à eux-mêmes ; le village de Cinquétral, dans le Jura, aurait le même sens : cinq lits. En 1118 Etray est écrit : Strax, en 1240 Astrait, puis en 1318 Estrahe et alors cette forme rappelle le mot allemand heister : hêtre. Une hêteraie (phonétiquement Etray) est un lieu planté de hêtres, on peut le rapprocher d’Eternoz : combe aux hêtres.
Le vieux chemin gaulois, aménagé plus tard en voie romaine, et qui unissait la France et l’Italie par Besançon, Lausanne et le Grand Saint-Bernard, avait donné naissance à quelques points d’habitation. Les défrichements s’étaient souvent opérés en priorité de chaque côté de cette voie ; depuis Nods, la Combe de Gielle évitait bien des bosses. Il y eut des constructions non loin de là au lieu-dit les Carrons, où des briques et des tuileaux furent trouvés, témoignant d’un habitat gallo-romain. Puis à partir du VIᵉ siècle, les colons sédentaires se fixèrent entre deux points d’eau, le premier étant la petite source qui coule au milieu du village actuel et qui n’est que le produit d’eaux d’épuration, le deuxième étant une mare qui aujourd’hui n’existe plus et qui s’appelait la Vieille Morte (eau stagnante, morte). Cette mare était située en arrière de l’église actuelle et en direction de la chapelle, on trouve d’ailleurs d’anciennes fondations de maisons à droite de la route de la chapelle. Les quartiers d’Etray, qui se trouvent au soleil levant et au midi, sont relativement récents.
Depuis l’époque féodale et jusqu’à la révolution, Etray fait partie de la seigneurie de Cicon.
Avant l’adduction des eaux de la Loue en 1956, Etray ne disposait que de ses citernes, de la petite source au milieu du village et de la source d’Ouron. Tout cela était bien peu dans les années sèches, c’est pourquoi un arrangement avait été passé avec Epenoy pour mener le bétail boire à la source d’En Alloz, avec chemin d’accès qui leur est toujours reconnu.
Il convient aussi de rappeler que le chemin actuel d’Etray à Epenoy est relativement récent. Auparavant les deux villages étaient reliés par le seul chemin de la chapelle, aujourd’hui supprimé, ce qui confirme bien que le premier village d’Etray était situé sur une ligne allant de la fontaine à l’église et à la chapelle. Par ailleurs Etray posséda pendant très longtemps des prés au Valdahon qui ne furent vendus qu’au XVIIIᵉ siècle, les cultivateurs s’y rendaient par « la Vie d’Etray », une appellation qui est restée et qui est sur le territoire du Valdahon.
Armoiries
source : http://nicolasvernot.free.fr/?page_id=422
Les armoiries d’un village se doivent d’être simples. Pour autant, la composition présentée ici, sobre d’aspect, n’en figure pas moins de nombreuses facettes de la riche identité de la commune d’Étray. Elle a été adoptée officiellement par le Conseil municipal le 25 novembre 2010.
Blasonnement
D’or à la fasce de sable, à l’estrée terminée en feuilles de tilleul, anglée de branchettes de pin unies à elle, de sinople, brochant sur le tout, chaque feuille et bras chargés d’une croisette recroisetée au pied fiché d’or.
Devise : « Bonne estrée, halte belle »
Symbolique
Les armoiries proposées à la commune associent des éléments significatifs de son passé et de son présent.
D’or à la fasce de sable…
Sur un champ d’or (jaune) se détache une fasce (bande horizontale) de sable (noire). Il s’agit des armes de la famille de Cicon : en effet, le village a fait partie de la seigneurie de Cicon depuis le Moyen Âge jusqu’à la Révolution.
D’autre part, ces armoiries seigneuriales ont été retenues pour leur capacité à figurer l’antique voie romaine reliant Vesontio (Besançon) à l’Italie et qui a donné son nom à la commune (Étray dérive du latin strata, qui désigne la route, probablement ici une chaussée empierrée). Ces armoiries sont donc parlantes, en ce sens qu’elles évoquent, par leur contenu, le nom de celui qui les porte. Ce procédé est fréquent en héraldique (par exemple, Pontarlier a un pont pour emblème).
Une rose des vents végétale
Le meuble principal de ces armoiries est constitué par une rose des vents combinant deux croix formées de végétaux.
Le langage des arbres…
D’une manière générale la prédominance des motifs végétaux et la couleur verte traduisent le caractère rural et forestier de la commune.
Les feuilles évoquent plus spécifiquement les tilleuls bicentenaires qui ont donné leur nom à une des principales rues du village.
Quant aux rameaux de pin, ils évoquent les pins noirs d’Autriche dont la silhouette caractéristique marque le paysage aux abords de la chapelle.
Leur association reflète le caractère des habitants :
– le tilleul, arbre aux feuilles en forme de cœur dont on tire d’apaisantes tisanes et dont l’odeur suave attire les abeilles, évoque un village paisible où il est agréable de vivre et de travailler ;
– le pin, épineux et résistant, rappelle que les habitants d’Étray sont capables de pugnacité lorsque leurs intérêts sont en jeu. C’est ainsi que sous l’Ancien Régime, la communauté villageoise fut pendant des siècles en procès avec ses voisins de Fallerans, de Vernierfontaine et d’Épenoy au sujet du pâturage des troupeaux ou encore des limites de territoires.
Une association de croix
L’histoire de la commune est intimement liée à son passé religieux, qui marque aujourd’hui encore fortement le patrimoine de la commune. Par conséquent, il était difficile de ne pas l’évoquer. Pour autant, les éléments qui composent ces armoiries possèdent une symbolique laïque, afin que les convictions de chacun soient respectées.
L’estrée (croix droite de faible largeur) évoque la célèbre chapelle de l’Immaculée Conception, lieu de culte qui existait probablement déjà au XVIIe siècle, et qui fut relevé suite à un vœu des habitants, épargnés par l’épidémie de choléra de 1854.
Les branches de pin sont posées en croix de saint André (croix en forme de X), emblème de la Franche-Comté pendant plusieurs siècles et, à ce titre, présente sur de nombreuses plaques de cheminées comtoises coulées sous l’Ancien Régime.
Estrée et croix de saint André s’associent pour former une rose des vents qui évoque le belvédère de la chapelle culminant à 750 mètres d’altitude, et depuis lequel la vue s’étend sur une trentaine de villages alentours.
En outre, la convergence de ces deux croix en un seul point rappelle :
– que la chapelle est un important lieu de rassemblement. Chaque année, le 15 août, plusieurs centaines de fidèles y convergent pour assister à la messe de l’Assomption de Marie ; à cette occasion, plusieurs baptêmes sont célébrés et la plupart des participants se retrouvent après la célébration autour du verre de l’amitié. C’est donc un haut lieu de la spiritualité et de la convivialité locales. En outre, les militaires du Valdahon y tiennent régulièrement une revue d’armes ;
– plus généralement, qu’Étray est un lieu de halte le long de l’antique voie romaine figurée par la fasce de sable.
Les quatre croisettes représentent les prêtres formés à Étray et envoyés ensuite aux quatre coins du diocèse. En effet, entre 1801 et 1811, le village a accueilli une école presbytérale fondée afin de renouveler les rangs du clergé décimé par la Révolution.
Ces petites croix sont également tirées des armes de la famille de Scey. D’après l’abbé Bouveresse, Atelle de Scey possédait dès 937 des biens à Étray. En 1584, Pierre de Scey a lui aussi des propriétés dans le village. Les armes de cette famille étaient de sable semé de neuf croisettes recroisetées au pied fiché d’or, au lion couronné de même, armé et lampassé de gueules, brochant sur le tout. Croisettes, or et sable se retrouvent dans les armoiries d’Étray afin d’évoquer la présence très ancienne de la famille de Scey au village.
La devise
La devise choisie est « bonne estrée, halte belle ». Elle souligne la double vocation d’Etray, qui dès l’Antiquité est tout à la fois lieu de passage (voie romaine) et un lieu de halte (on a découvert au lieu-dit « les Carrons » des tuileaux et des briques gallo-romains). La « belle halte » évoque également le belvédère de la chapelle, d’où le regard embrasse une vue magnifique.
Sources
– Alfred BOUVERESSE, De Cicon… à la Grâce-Dieu. Histoire des villages du canton de Vercel (Doubs), Vesoul, 1987, p. 217-222.
– Jean COURTIEU (dir.), Dictionnaire des communes du département du Doubs, t. III, Besançon, 1984, p. 1198-1201.
– Jules et Léon GAUTHIER, Armorial de Franche-Comté, Paris, 1911, p. 9, n° 97 (Cicon) et p. 25, n° 294 (Scey).
– Roger de LURION, Nobiliaire de Franche-Comté, Besançon, 1890, p. 214-215 (Cicon) et p. 731-733 (Scey).
– Gérard TAVERDET, Les noms de lieux du Doubs, Fontaine-lès-Dijon, 1990, p. 35.
– Nicolas VERNOT, « Sentiment d’appartenance et loyautés dynastiques dans la Franche-Comté de Louis XIV : le témoignage emblématique des plaques de cheminée et de l’Armorial général », Mémoires de la Société d’Emulation du Doubs, nouvelle série, n° 44, 2002, pp. 13-71.
– Nicolas VERNOT, « Les armoiries des villes comtoises à la Renaissance d’après un recueil inédit de 1593 », Regards sur les bourgs et villes de Franche-Comté, du cœur historique aux quartiers périphériques, actes du colloque de Dole, 2006, Les Cahiers Dolois n° 18, 2006, p. 73-104.
Les reposoirs
Cette ancienne procession religieuse nous a été contée par les mémoires du village.
Les jeunes habitants d’Etray posant devant un reposoir
Elle reprend la tradition de la Fête Dieu, fête religieuse du Saint Sacrement. A l’origine, celle-ci est célébrée le 2ème dimanche après la Pentecôte et prévoit de porter l’Eucharistie en grande pompe à travers les rues. Ces processions publiques sont entrecoupées de prières le long du parcours.
A Etray, soixante jours après Pâques, les habitants préparaient un reposoir, autel temporaire, dressé en plein air. Il était drapé de blanc, orné de fleurs, de feuillages, agrémenté de bougies. Le jour de la Fête Dieu, les jeunes du village se retrouvaient autour de ce reposoir. Ils auront veillé à apporter dans leur panier des pétales de fleurs, majoritairement des pivoines ou des roses.
Après un moment de recueillement et de bénédictions, tous partaient en procession et disposaient le long du chemin les pétales, formant derrière eux un tapis de fleurs. Cette tradition s’est perpétuée jusque dans les années 1960.
Aujourd’hui, la place des reposoirs est marquée par des croix à divers endroits du village : la Chapelle, à Leule, rue des Tilleuls, rue du Chemin Neuf.